Une dernière fois sa plume glissa sur le papier avant de reprendre sa position habituelle dans l'encrier. Bien que parfaitement conscient de ce qu'il était en train de faire, il resta quelques secondes en suspend, comme si le temps avait cessé, en un instant, de s'écouler. Il revint à lui, relâchant alors la plume qui s'échoua avec nonchalance contre le rebord intérieur du contenant, et prenant la missive qu'il venait de rédiger, en fit lecture silencieuse et personnelle. Comme à l'accoutumée il l'enroula soigneusement d'une petite liane et y apposa le sceau royal.
Préoccupé des exactions se déroulant en Kandor il avait, après avoir décidé de fermer les frontières du Sanctuaire Elfique et après que deux nuits d'intense méditation se soient écoulées, de convier le dirigeant d'un des deux royaumes frontaliers. Son choix s'était donc porté sur Alarith Castiel pour diverses raisons, et la première étant qu'il ne ferait pas convié un enfant pour raison diplomatique quand aux quatre coins du Kandor les hommes perdaient la vie sans que l'on puisse définir comment et pourquoi. Le Prince Rundel était donc à exclure.
Mais Teraën ne prenait pas réellement ce facteur en compte, il l'utilisait pour davantage se donner bonne conscience et non pas parce qu'il craignait pour la vie du petit prince, bien qu'il ne lui souhaitait pour autant aucun mal. Durant sa jeunesse il avait voyagé comme beaucoup d'autres Elfes afin de s'émanciper intellectuement et d'en apprendre plus sur les différentes contrées qui composaient le continent de Merak. Il avait donc pu constater, à l'occasion de quelques jours en Kandor, que les hommes étaient bien plus souvent poussés par des intérêts personnels que l'intérêt commun. Ne connaissant pas le Prince Rundel il préféra tout de même éviter cette rencontre pour l'heure. Ainsi il ne serai pas déçu une nouvelle fois...
La Voix du Nord était un choix plus judicieux qui permettrait par la même occasion de renouer quelques liens avec les Thériantrophes du Nord, depuis longtemps à l'écart.
- Vous irez transmettre cette missive à la fauconnerie, le message doit être envoyé avant le crépuscule, dit-il simplement en tendant le cylindre à l'un de ses gardes personnels avant d'ajouter. Vous devez être prêts, tous, le jour où la Voix du Nord foulera les terres sylvaines. Vous l'escorterez de la frontière jusqu'à Illis.
L'individu sembla inerte l'espace de quelques secondes, puis il se posa une multitude de question avant d'essayer d'obtenir confirmation de ce qu'il venait d'entendre.
- Votre Majesté, vous... nous... vous sous-entendez les Huit ? Si c'est bien le cas, il n'est pas question que..., tenta le garde avant que Teraën ne l'empêche d'aller plus loin.
- Vous chevaucherez vos Elirinës blancs pour accueillir le dirigeant du Nord, ainsi il aura une maigre consolation des neiges abondantes qui s'échouent par chez lui, continua-t-il en levant l'index pour faire taire le garde qui tenta encore une fois d'ouvrir la bouche. D'un ton plus tendre, et surtout parce qu'il tenait à ce qu'il comprenne bien l'enjeu de la situation, il précisa. Les Huit iront accueillir le seigneur des neiges car aujourd'hui plus que jamais, personne n'est à l'abri d'une mort subite. Il est une des personnes les plus influentes sur Merak et les Thériantrophes du Nord, bien que nombreux sont ceux qui les qualifie de passifs et lâches, ont par le passé prouvé qu'ils pouvaient être compétents. Alors si je souhaite discuter affaire diplomatique avec leur dirigeant il m'est indispensable qu'il reste en vie, et ce, jusqu'à son arrivé dans mon bureau. D'autant plus que ce qui sévit en Kandor parcourt peut-être nos terres depuis quelques décennies, qui sait ?, lança-t-il après avoir conclu, d'un geste las de la main, toute éventuelle poursuite de la discussion.
Teraën espérait donc que cette missive parviendrai rapidement à son destinataire car pour l'heure le continent de Merak subissait de nombreux assauts sanglants et inexpliqués. Une situation qui inquiétait grandement le souverain des Hauts-Elfes.