Meghara use et abuse de sa maîtrise du déguisement. Comédienne de métier, elle se fabrique une multitude d'identités grâce à des milliers de teintures, perruques, peintures et masques. La jeune femme se fond si bien dans ses personnages, que personne ne connaît sa véritable apparence, bien qu'ils en soient tous persuadés.

Sous ses vêtements diverses et variés, et les sacs qui lui dessinent tantôt une bosse, tantôt des poignées d'amour, sa silhouette est élancée, et ses hanches animeraient beaucoup de convoitises. De longues jambes formées à la course et des bras fins terminent le tableau. Un de ses nombreux avantages est la taille de ses pieds, qui sont si fins et si petits qu'elle peut feindre la pointure de son choix. De leur côté, ses mains sont fines et prolongées de longs doigts aux ongles courts, qui selon son humeur sont vermeils ou jaunâtre, déchirés ou lisses et ronds. Sa poitrine ronde et menue s'harmonise parfaitement avec le reste de son anatomie. Quand elle ne prend pas la précaution de l'effacer, on peut apercevoir un grain sombre juste au-dessus de son coeur. Plus haut, ses épaules minces sont la continuité d'un long cou qu'elle porte tantôt droit, montrant avec fierté son visage au monde, tantôt courbé, dissimulant ses traits au plus grand nombre.

Meghara cherche la plupart du temps à camoufler son visage au moyen de verrues, de joues gonflées, de rides, d'une surdent, d'un sourcil épais, d'un front inquiet, mais ses joues sont fines et se rejoignent en un monte carré barré d'une fossette héritée de son père. Ses lèvres colorées et décolorées mille fois sont roses et pleines. Son nez est rond, surmonté de taches de rousseur. Ses cils sont courts, ses sourcils taillés finement; au-dessus de ces derniers s'ouvre un front large et lisse. Cascadent alors sur de minces oreilles une chevelure bouclée, noisette aux reflets cuivrés, maintes fois domptée.

Seul détail qui ne peut être dissimulé, seule faiblesse qu'elle tente en vain d'effacer : deux perles d'un ciel d'orage qui ne se calme jamais.

Meghara Jaspe n'a pas toujours été son nom.

Il y a très longtemps vivait une petite fille à la chevelure rousse et dont la bonne humeur éclairait les visages de toute la maisonnée. Meg était la neuvième enfant d'une fratrie de douze, son père, marin avait l'habitude de consommé son mariage à chaque retour au port ce qui avait très vite élargit la famille. Pour subvenir aux besoins de la famille, sa mère faisaient des coutures et les aînés avaient tous pris la mer dès que leur âge le permettait. Les vents salés avait déjà emmenaient quatre de ses frères, le mariage avait déjà enlevait une de ses sœurs, restait alors huit bouches à nourrir au quotidien. Meg avait onze ans. Il restait encore à la maison, les jumelles qui toutes deux âgées de treize ans s'occupaient des trois petits frères de Meg, turbulents et farceurs. La petite fille avait pris l'habitude de suivre son frère d'un an son aîné partout où il allait, mais Sonax n'était pas de cet avis et passait son temps à semer sa petite sœur dans les ruelles de Pinasse.